Jean Cordeau, homme de passion
De gauche à droite, Jérôme Leroux, Jean Cordeau, Nicolas Labenne et Franck Debrais
Un matin d’octobre, alors que les dernières récoltes sont réceptionnées et que les vins commencent leur fermentation, un homme se promène entre les cuves. Il serre la main de la plupart de ceux qui croisent son chemin, le regard vif et le sourire généreux. Certains le nomment « Monsieur Cordeau », en signe de respect, mais il préfère qu’on l’appelle Jean. Ce matin d’octobre, Jean Cordeau vient partager l’histoire qui le lie à Lynch-Bages et au vignoble bordelais, avec soixante millésimes à son actif, « ou plutôt à son passif », plaisante-t-il. Rencontre avec un homme de passion.
Sa carrière démarre à vingt-deux ans à peine : diplômé ingénieur agricole de l’École Nationale d’Agriculture de Montpellier, il commence à travailler le 2 août 1958 en tant que Conseiller Agricole dans le Blayais, un nouveau poste technique lancé et testé par la Chambre d’Agriculture de la Gironde. En 1970, il est nommé chef du service de la vigne à la Chambre et crée dix ans plus tard le laboratoire d’analyses et de conseils agronomiques de Blanquefort, qu’il dirigera pendant quinze ans.
Au fil du temps, il se spécialise ainsi dans la vigne et sa conduite ; il écrira même un livre à ce sujet.
Quand vient la retraite, Jean Cordeau décide de mettre un terme à ses trente-huit années dédiées à la Chambre. Sa passion reste pour autant le moteur de ses occupations puisqu’il choisit de se lancer à son propre compte. Sollicité par différents Châteaux, il devient auto-entrepreneur et mène une activité de consultant.
En dix ans et sans même s’en apercevoir, il imprime sa marque sur le vignoble bordelais.
Depuis 2006, il partage toute une vie de savoirs et de connaissances pro bono, à seulement deux conditions : que le cas l’intéresse et que les gens soient sympathiques ! Par chance, Nicolas Labenne, Directeur Technique de Lynch-Bages, remplit ces critères haut la main. Les deux hommes partagent les mêmes passions, celle du rugby et celle de la vigne, et quand ils travaillent ensemble, l’essai est souvent gagnant.
Selon Jean Cordeau, Lynch-Bages bénéficie d’une belle harmonie de sols, avec des graves différentes qui offrent puissance et finesse. Il a ainsi contribué au choix des souches utilisées pour la parcelle de Petit Verdot. Il le confesse, ce cépage est l’un de ses favoris : il permet d’élaborer des vins tanniques, à la fois ronds et harmonieux.
Il intervient à la demande de Nicolas Labenne sur toutes les questions qui concernent l’accompagnement de la vigne. Il suffit de se promener dans les rangs avec lui pour comprendre : à quatre-vingts ans, il en connaît toutes les particularités et les partage avec un enthousiasme contagieux. Et quand on lui demande quelle est sa période préférée de l’année, il répond « quand je tremble en même temps qu’elle » : il parle là du débourrement et de la floraison, ces périodes cruciales où plane le risque du gel et de la coulure. Et de continuer : « mais aussi les vendanges », pour les premières prévisions, « et puis quand la vigne dort », pour la taille…
Comme tout passionné, Jean Cordeau ne peut pas choisir.
S’il a démarré dans les années cinquante, à une époque où la plus grande partie du vignoble étaient travaillée au cheval, il ne fait pas partie de ceux qui regrettent le passé. Selon lui, les vins de Bordeaux n’ont jamais été aussi bons que depuis les vingt dernières années : « Autrefois, le grand millésime était presque une exception ! ». Jean Cordeau ne s'en vantera sûrement jamais, mais s’ils sont meilleurs, c’est aussi grâce à des hommes comme lui.